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Culture Moves Europe 2023​

La viabilité technique n'est pas un argument suffisant pour légitimer une mise en œuvre technologique.

Lors d’une visite que nous, Adrián Serna et Lucas Alvarado Oscilab, avons faite en Serbie dans le cadre du programme de mobilité culturelle en Europe “Culture Moves Europe” 2023, nous avons rencontré la talentueuse et passionnée danseuse Olga Uzikaeva. Nous parcourions les rues de Belgrade, lorsque nous sommes tombés sur un arrangement de caméras. Notre hôtesse Laura Ferrero nous a dit qu’il s’agissait peut-être de l’un des systèmes de reconnaissance faciale de Belgrade. Cette affirmation a suscité notre curiosité, car nous ignorions qu’un tel système avait été mis en place à Belgrade, d’autant plus que les locaux ne semblaient pas très au courant non plus. C’est ici que commence la recherche qui aboutit à une installation performative que nous présentons le 6 octobre 2023 dans les installations de la galerie Kvaka 22 à Belgrade.

Après une recherche plus approfondie, nous avons trouvé quelques nouvelles et un documentaire produit en 2020 par la fondation Share sur le sujet. Filip Milošević, spécialiste de la recherche et du développement de la fondation Share, a eu l’amabilité de nous accorder une interview. Lors de notre rencontre, il nous a parlé de la situation actuelle de la vidéosurveillance à Belgrade, du manque de transparence gouvernementale à ce sujet et de l’importance des initiatives visant à sensibiliser le public à ce qui pourrait se passer.

La communauté Hiljadu Kamera, à laquelle participe également Filip Milošević, a élaboré une carte où des bénévoles ont localisé les différentes caméras avec reconnaissance faciale déployées à Belgrade. Inspirés par cette carte, nous avons décidé d’explorer les espaces surveillés par ces caméras, dans le but de comprendre les zones de surveillance et les actions ou trajectoires possibles qui pourraient être l’objet d’intérêt de ce système.

Puisque, à cette étape, notre intention était de créer une installation performative, ou ce que nous avons appelé depuis mon travail avec Ymoov, une “instalacción”, il était crucial pour nous de visiter les espaces. Cela représentait la manière de relier notre concept au Corps ; l’espace agirait comme le lien connecteur entre l’installation et la performance.

Dans chaque localisation que nous avons visitée, nous avons réalisé une capture tridimensionnelle des caméras et de l’environnement qu’elles surveillaient. Cela a été fait dans le but de comparer par la suite chaque espace, d’identifier des modèles et d’illustrer ce que les caméras capturent pour la création de notre installation.

Notre installation consistait en la vidéoprojection sur deux murs et le sol dans un coin, créant un espace isométrique habité par la performeuse Olga Uzikaeva. Le système interagissait avec Olga, lui permettant de prendre progressivement le contrôle de la musique et des contenus projetés. Dans la scène, nous avons installé une caméra infrarouge, déguisée en caméra de surveillance comme partie de la scénographie.

Tout au long de la performance, Olga parcourt différents espaces virtuels surveillés de Belgrade. Au cours de son parcours, elle découvre que les espaces qu’elle visite se numérisent, et par la suite, elle se retrouve elle-même numérisée, ainsi que les visages de certaines personnes. À ce stade, la musique et l’emplacement de la visualisation dépendent uniquement des mouvements d’Olga.

L’expérience se termine par l’apparition progressive d’un mur de visages capturés tout au long de la performance. À la surprise du public, sont montrés les visages de ceux-ci admirant la pièce, qui ont été capturés automatiquement par notre caméra sur scène.

La pièce, au-delà d’être une simple illustration de ce qui peut se passer dans la ville de Belgrade, sert de prétexte pour exposer la vulnérabilité à laquelle nous sommes tous exposés avec ce type de technologies. Si être capturé sans s’en rendre compte, malgré le fait que tous les éléments nécessaires à cela étaient exposés dès le début, s’avère être une surprise, une peur ou une indignation, alors peut-être est-ce un sujet digne d’être abordé.

Carlos Adrián Serna

Idea Original / Artista Electrónico

Lucas Alvarado

Musicalisation
/ compositor

Olga Uzikaeva

Bailarina / Performer

Laura Ferrero

Producción General